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Jean-Célestin Edjangué : « les médias et les journalistes sont des accélérateurs de solutions environnementales »


Heure de publication 16:40 - Temps de lecture : 6 min 29 s

Jean-Célestin Edjangué, journaliste multimédia, formateur en journalisme, conférencier, essayiste, ancien chef de l’Information à Africa24, rédacteur en chef du magazine Afrique demain, promoteur de newsafrica24.fr, correspondant Europe du quotidien Le Messager et co-fondateur du trimestriel de la propreté Bosangi. – © Jean-Célestin Edjangué.

Propos recueillis par Léonce Houngbadji

L’Afrique souffre de grands problèmes environnementaux en raison notamment de la pollution du sol, la production de déchets, l’absence de recyclage et l’utilisation de plastique jetable. Journaliste multimédia, formateur en journalisme, conférencier, essayiste, ancien chef de l’Information à Africa24, rédacteur en chef du magazine Afrique demain, promoteur de newsafrica24.fr, correspondant Europe du quotidien Le Messager et co-fondateur du trimestriel de la propreté Bosangi, Jean-Célestin Edjangué appelle à l’implication active des médias et des journalistes dans la prévention des urgences climatiques et la protection de l’environnement. A l’en croire, premiers partenaires de l’éducation à l’environnement, ils peuvent davantage informer, sensibiliser, mobiliser les citoyens et accélérer les solutions écologiques sur le continent. Entretien.

En décembre 2014, vous avez publié l’ouvrage "Education à l’environnement en Afrique : le rôle des médias". Quels sont les problèmes environnementaux que vous avez eu à identifier et quelles en sont les causes ?

 

Les principaux problèmes environnementaux soulevés par cet ouvrage, toujours d’actualité, concernent l’hygiène, l’assainissement, le désordre urbain et rural qui rejaillissent sur l’esthétique des villes et villages, la pollution sonore et de l’air… Tout cela sur fond d’incivisme généralisé de certaines populations. Or, dans un continent à la démographie galopante et dont la population est appelée à doubler à l’horizon 2050 pour atteindre les 2,5 milliards d’habitants, la consommation va s’accélérer avec pour conséquence, davantage de production de déchets tant ménagers que médicaux, informatiques et industriels qui impactent notre milieu quotidien de vie. La question est donc de savoir comment provoquer une prise de conscience individuelle et collective pour prévenir et sauvegarder notre environnement, condition sine qua non pour léguer aux générations à venir une planète digne d’être habitée.

 

Quelle solution pérenne préconisez-vous pour faire face efficacement à cette situation ?

 

La solution est simple. Il faut investir massivement dans léducation à l’environnement. L’éducation à l’environnement vise à préserver les conditions d’habitabilité sur la planète. Elle fait appel à une diversité d’initiatives et d’actions : la sensibilisation, l’information, l’éducation et la formation. L’éducation à l’environnement ne concerne pas seulement les enfants. C’est l’affaire également des adultes. Tout le monde gagne à être impliqué.

 

Les médias ont-ils un rôle à jouer ?

 

Bien sûr. Ils constituent le maillon essentiel. C’est ici qu’intervient la responsabilité sociale et sociétale des médias et des journalistes, pour éduquer, sensibiliser, informer de manière indépendante de tout lobby, pour permettre aux citoyens d’avoir des éléments de compréhension afin de faire des choix judicieux. Véritables partenaires de l’éducation à l’environnement, ils sont essentiels pour montrer au quotidien que l’environnement n’est pas une affaire de mode ou de tendance mais qu’il doit être considéré comme une condition de notre survie. Ils doivent analyser constamment les problématiques liées à l’environnement, diffuser des connaissances environnementales à impact positif et amplifier les solutions qui apportent des réponses concrètes à ces problématiques. Il s’agit pour les médias et les journalistes d’être une aide à la compréhension, donner à voir, à entendre et à comprendre au citoyen. Car un citoyen bien informé et maître de ses choix est un citoyen libre, garant du bon fonctionnement des mécanismes de la démocratie.

Sur le continent, il y a de plus en plus de journalistes qui se forment et se spécialisent pour mieux traiter les sujets liés à l’environnement et au développement durable. Leur travail de sensibilisation se fait à travers plusieurs outils pour donner aux citoyens les clés de comprendre les enjeux de la transition écologique, agir de manière consciente et donner envie d’agir au plus grand nombre : livres, guides, films, bandes dessinées, presse jeunesse ou adulte, documentaires, enquêtes, reportages constructifs, débats et émissions à la télévision, sur les ondes radiophoniques ou en ligne.

Cet engagement médiatique accélère les solutions environnementales. On peut donc dire que les médias et les journalistes sont des accélérateurs de solutions écologiques. Les populations africaines comprennent mieux les enjeux du changement climatique, de la raréfaction des ressources, de la reconquête de la biodiversité, et s’attèlent à établir un modèle économique et social renouvelant leurs façons de consommer, de produire, d’habiter, de travailler et de vivre ensemble. En 2019, par exemple, le Rwanda est devenu le premier pays africain à interdire complètement l’utilisation de tous les plastiques à usage unique.

 

Il y a-t-il d’autres solutions concrètes pour faire de l’environnement l’affaire de tous ?

 

Accentuer l’éducation à l’environnement dans les écoles, collèges, lycées et universités ; mieux former les hommes et femmes de médias pour leur donner des outils pédagogiques et techniques nécessaires à la sensibilisation, communication et information sur les questions et problématiques environnementales ; associer beaucoup plus étroitement les organisations de la société civile à la gestion et à la prise de décisions relatives à la sauvegarde de l’environnement ; créer des instances de veille environnementale avec possibilité de sanctions à la fois financières et pénales en cas de manquements dans le domaine de l’environnement et de l’urgence climatique… Voilà autant de pistes de solutions complémentaires qu’on peut expérimenter.

 

Et quelle place pour les jeunes dans ce combat pour préserver l’environnement ?

 

Les jeunes constituent l’avenir de l’humanité, bien au-delà du continent qui en est le berceau. Ils ont alors un rôle primordial à jouer dans la protection de l’environnement. De plus en plus de jeunes agissent déjà au quotidien en Afrique, pour sauvegarder la nature, le plus souvent en réduisant leurs déchets, en les triant pour le recyclage et en les transformant. D’autres ont pris d’assaut les réseaux sociaux et les médias pour défendre des causes environnementales, valoriser les bonnes pratiques et appeler à des actes concrets.

En République démocratique du Congo (RDC), le jeune Bobo Bob Benza collecte les déchets plastiques dans les rues de la capitale, Kinshasa, pour les transformer en poubelles écologiques et en briques autobloquantes. Toujours en RDC, précisément à Bukavu, au Sud-Kivu, depuis 2019, Nicole Menemene collecte les déchets plastiques qui polluent les lacs et les rivières pour les recycler et valoriser. Elle donne une nouvelle vie à ces déchets : bouquets de fleurs, tableaux artistiques, fauteuils, étagères, paniers multi-usage, murs avec et sans maçonnerie. En 2020, elle a pu valoriser de manière artisanale 18.000 bouteilles plastiques, surtout dans la construction d’une maison à Bukavu.

De son côté, la Sénégalaise Awa Sagna innove pour protéger la planète. Sa marque Peulh Fulani confectionne des maillots de bain 100% éthiques et éco-responsables à partir des bouteilles en plastique recyclées dans les océans. Ses modèles montrent à suffisance qu’il est bien possible de concilier durabilité et qualité, transformer les déchets en produits haut de gamme.

Au Mali, l’entrepreneure Rokiatou Traoré est engagée en faveur de l’entrepreneuriat vert. Elle conçoit des solutions écologiques qui valorisent le Moringa et protègent l'environnement. Sa vision, qui prend en compte les objectifs du développement durable par le biais de l’économie verte, est tournée vers le futur. Dans le domaine de l’entrepreneuriat vert sur le continent, elle fait partie des précurseurs qui anticipent un changement de modèle et une économie plus durable, convaincue de la nécessité de changer de modèle. Ses solutions concrètes contre les problématiques environnementales et sociales ont un impact immédiat : limiter les émissions de gaz à effet de serre, réduire l’empreinte écologique, minimiser la pollution, économiser les ressources, protéger les forêts et diminuer le niveau de pauvreté et de malnutrition dans les zones rurales.

Depuis 2018, le Guinéen Saliou Diallo incite les entreprises et les citoyens à calculer leur empreinte carbone et à compenser leurs émissions en plantant des arbres. Son application mobile Irokko est une solution technologique innovante pour protéger l’environnement. Depuis sa création, 20 000 arbres ont été plantés ; 1300 utilisateurs enregistrés ; 35 pays couverts dont la Guinée, la France et le Canada ; 13 sites de reboisement installés et 2500 tonnes de CO2 compensées. Irokko vient à peine de créer le logiciel GES pour comptabiliser les émissions des entreprises, des banques et des gouvernements en Afrique.

Au Sénégal, Yaye Souadou Fall récupère, depuis 2015, les pneus usagés qui jonchent les rues de Dakar pour les recycler en granulats de caoutchouc, en carreaux 100 % écologiques, en semelles de chaussures et en revêtement de sol pour les entreprises, les ménages, les complexes sportifs, les écoles et les mairies.

Ces exemples concrets montrent à quel point il y a une dynamique actuellement, sur le continent, en termes de contribution remarquable des jeunes à la protection de l’environnement.

 

Certaines initiatives mises en œuvre ont-elles déjà donné des résultats probants ? L’impact est-il positif ?

 

L’institution de l’éducation à l’environnement dans les établissements scolaires, par exemple, a contribué à faire prendre conscience aux enfants et à la jeunesse dans son ensemble, de l’importance des gestes civiques comme jeter des ordures dans des bacs et poubelles disponibles, ne pas uriner dans la rue et surtout, entretenir une bonne hygiène corporelle. Par ailleurs, le fait que nombre de médias ou de supports d’informations en Afrique intègrent dans leurs programmes ou publications des rubriques, espaces, pages ou émissions consacrés à la protection de l’environnement, contribue à la pédagogie et à la sensibilisation des citoyens. Reste que les journalistes doivent bénéficier des formations idoines pour qu’à leur tour ils puissent jouer toute leur partition.

 

Quel est votre regard critique sur ces impacts ?

 

Les solutions proposées peuvent avoir un impact limité si elles ne sont pas accompagnées de suivi. Concrètement, l’enseignement de l’éducation à l’environnement à l’école doit combiner théorie et pratique pour vérifier que les enseignements sont bien assimilés. Par ailleurs, les journalistes doivent régulièrement actualiser leurs connaissances et informations dans ce domaine pour participer de manière efficace à leur mission pédagogique et d’information. Faute de cette mise à jour, ces hommes et femmes de médias seront eux-mêmes obsolètes et n’auront aucune légitimité en la matière.


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