Pamella N’ze Asseko, passionnée de mode : «notre marque écoresponsable "Funkè" valorise le patrimoine textile africain»

Promouvoir et valoriser le patrimoine textile béninois et africain, notamment le pagne tissé couramment appelé "Kanvô". C’est le but visé par Pamella N’ze Asseko en créant sa marque de vêtements et accessoires Made in Africa, en 2020 : FUNKE. Passionnée de mode, cette amoureuse de culture est toujours à l’affût des dernières tendances et des nouveautés. Ses créations sont uniques et originales. Titulaire d’une licence en Diplomatie et Relations Internationales, d’une Maîtrise en Droit des Affaires et Carrière Judiciaire et d’un Master en Marketing, Communication Commerciale et Stratégies, c’est une femme battante, forte, authentique, intelligente, créative, entreprenante et résiliente. Elle a plusieurs cordes à son arc, à la fois mannequin podium, modèle photo, présentatrice sur une chaîne de télévision béninoise depuis 2015, etc. Pour ses proches, sa notoriété tient à ses principes et ses valeurs : travailler dur, faire ses preuves et foncer ! A la rencontre d’une chef d’entreprise exceptionnelle qui fait preuve de courage et de la plus grande détermination pour réussir et donner envie d’agir afin de réinventer demain.

Quel est l’état des lieux du patrimoine textile béninois et africain ?

En Afrique, nous avons un potentiel énorme qui est malheureusement sous exploité. Chaque pays africain est riche de ses textiles authentiques chargés d’Histoire, qui pourraient contribuer fortement à la croissance économique et à l’éclosion internationale des cultures du continent. Malheureusement, excepté quelques pays comme le Burkina Faso qui fait des efforts dans ce sens avec le Faso Danfani, ces textiles ne sont pas mis en valeur et se meurent à petit feu.

La situation est identique en ce qui concerne tous les autres aspects et acteurs de la mode africaine qui sont de pures pépites trop longtemps ignorées. Depuis quelques années, on note une prise de conscience de ces acteurs, et je pense qu’avec une synergie d’actions (Etats, Acteurs de la mode), la mode africaine, la vraie, l’authentique, pourrait émerveiller le monde.

Est-ce pour contribuer à changer l’ordre des choses que vous avez créé Funkè, votre marque de vêtements ?

Vous avez bien compris. Je suis dans le secteur de la mode depuis plus d’une décennie, d’abord en tant que mannequin puis depuis deux ans maintenant en tant que créatrice de mode. Ma passion pour la mode est née dès mes premiers pas sur les podiums de défilés et a grandi au fil de mes expériences aux côtés de grands créateurs africains et internationaux.

En 2020, soucieuse de contribuer à une plus grande échelle à l’essor de la mode africaine, j’ai fondé FUNKE, une marque de vêtements qui promeut les textiles made in Africa, dont le "Kanvô" du Bénin.

Funkè, ce sont des pièces épurées, produites en édition limitée et livrables dans le monde entier. Funkè se veut éco- responsable tout en ayant un fort impact social. Funkè se veut une marque de qualité, utilisant des matières premières de premier choix et une main d’œuvre qualifiée. Elle prône la créativité et l’originalité dans chacune de ses créations. Elle revendique également ses origines africaines en ce sens que chacune de ses créations valorise le continent africain. Les créations Funkè, bien qu’étant Made In Africa, peuvent facilement se porter partout dans le monde. Funkè se veut par ailleurs une marque accessible à tous, facilement livrable partout dans le monde via notre boutique en ligne.

Nous avons sorti trois collections et quatre mini- collections. Nous avons fait une collaboration très fructueuse avec la marque Goya Paris en décembre 2020. Nous avons organisé une vente privée à Cotonou en avril 2021, afin d’aller à la rencontre de notre clientèle locale. Pour un premier essai, ce fut un grand succès. Nous avons participé à plusieurs salons internationaux de mode à Abidjan où nos pièces ont été très appréciées. Nous avons démarré en 2021 des actions en faveur des jeunes filles et femmes en situation de précarité et avons formalisé cela en 2022 par la création de l’association Funkè for Women. Nous avons reçu deux prix pour l’impact de Funkè : le Prix de la Reconnaissance du Mérite dans la Promotion de la Culture Africaine en 2021 et le Prix du Citoyen Bâtisseur en 2022.

Comment expliquez-vous cette volonté de valoriser le textile made in Africa?

Ce choix s’est imposé à moi, il y a quelques années, suite à une prise de conscience personnelle. Pour la petite histoire, en 2018, j’ai voulu me faire confectionner une tenue moderne et pratique dans un textile produit au Bénin. Mon choix s’est porté sur le "Kanvô", le pagne tissé béninois. En bonne Cotonoise, je me suis rendue au Marché Dantokpa qui est l’un des plus grands de la sous- région ouest africaine. Sur des dizaines de kilomètres parcourus, il n’y avait que quelques vendeuses de pagne tissé, un pagne tissé d’une texture totalement inapte à réaliser une tenue confortable. A ce moment précis, je me suis posée cette question : Comment un pays peut- il se développer s’il ne consomme que des textiles importés à très bas coût, ignorant le fruit du travail des artisans locaux dont le savoir-faire ancestral se meurt à petit feu ? Ainsi s’est imposée à moi une résolution, celle de mettre en avant le travail formidable que font nos artisans textiles à l’intérieur du pays et de le faire connaître au monde.

Dans le cadre de la promotion et de la valorisation, que faites-vous concrètement ?

Chez Funkè, nous dessinons, créons et produisons nous-mêmes nos pagnes tissés. Nous en faisons du "Everyday wear", différents vêtements portables au quotidien pour tous types d’occasion. Aujourd’hui, Funkè est portée fièrement par des centaines de femmes et hommes un peu partout dans le monde.

Dans notre processus de production, nous nous attelons à être une marque éthique et écoresponsable. Notre matière phare qu’est le pagne tissé est produite avec du fil de coton. Le pagne tissé est très solide, ce qui rend nos pièces également très durables dans le temps. Elles peuvent être réutilisées plusieurs fois sans crainte d’être abimées et ont une durée de vie assez longue. Pour confectionner nos vêtements et accessoires, nous mixons le pagne tissé avec, entre autres, du jean et du coton issus de vêtements recyclés. Afin d’éviter au maximum d’impacter négativement notre environnement, nous utilisons les chutes de tissus pour confectionner de petits accessoires tels que les barrettes de cheveux pour enfants, les chapeaux, les ceintures, etc.

Toujours dans l’optique de maintenir l’équilibre écologique de notre environnement, nous livrons nos pièces dans des emballages entièrement bio dégradables.

 Quel est l’impact positif de cette initiative sur la société ?

Funkè participe à travers sa main d’œuvre totalement locale à la création d’emploi pour des dizaines de femmes tisserandes et pour un nombre substantiel d’artisans spécialistes de la confection de vêtements et accessoires. Marque sociale améliorant la condition Féminine, nous travaillons avec des femmes et jeunes filles tisserandes réunies en association, et leur apportons un savoir-faire différent.

La femme est au cœur de Funkè. A ce titre, nous avons mis en place des activités permettant aux jeunes filles et jeunes femmes en situation de précarité, de bénéficier de notre accompagnement en matière de formation au métier de tisserande, d’amélioration du savoir-faire et de leadership féminin. Des dizaines de jeunes femmes ont bénéficié de notre accompagnement à ce jour. Afin de créer un cadre plus adéquat à cet accompagnement, nous avons créé officiellement l’association FUNKE FOR WOMEN (www.funkeforwomen.com).

Combien de personnes ont pu être impactées par votre action ?

Environ 200 jeunes filles et femmes en situation de précarité.

Au regard de votre riche expérience, qu’est-ce que vous proposez aux pouvoirs publics et aux acteurs du secteur pour une meilleure valorisation du textile made in Africa?

Aux acteurs du secteur, je propose la formation et le perfectionnement continu, la recherche, une meilleure organisation des règles qui régissent le secteur.

Aux pouvoirs publics, je propose la mise en place d’infrastructures et de politiques d’accompagnement des artisans et de tous les acteurs du secteur de la mode. Il urge également de penser et de mettre en place des politiques publiques visant à valoriser et encourager les citoyens à consommer fièrement les produits locaux de qualité.

Vous venez d’être invitée en France pour prendre part à deux Salons business. Peut-on en savoir davantage ?

Funkè participera en effet à deux évènements en septembre prochain à Paris. Il s’agit du Salon Business Africa 22 et du Salon international Africain Lafia. Ce sont deux salons d’affaires autour de l’excellence africaine et ses diasporas. C’est une belle opportunité de mise en lumière du savoir-faire du continent africain et une chance de promotion de nos cultures, traditions et innovations.

La marque participera également au Tropics Business Summit qui se tiendra en octobre au Cap-Vert et qui est l’événement panafricain de référence pour la communauté multiculturelle des investisseurs en quête de nouveaux marchés.

Funkè, par ailleurs, a été sélectionnée parmi les 40 entreprises participant au programme SIBC (Social and Inclusive Business Camp) qui se tiendra en novembre 2022 à Marseille. C’est un programme conçu et financé par le campus de l’Agence Française de Développement et qui vise à accélérer les projets d’innovations sociales des entrepreneurs en Afrique.

Avez-vous un dernier mot ?

Les Africains doivent prendre conscience des potentialités uniques du continent pour en faire des vecteurs de croissance forte et durable.

Quant à nous, nous allons continuer de travailler, d’innover, de créer, de donner envie et d’élargir notre réseau de distribution sur le continent et dans le monde entier. L’objectif est de faire de Funkè, une marque incontournable dans le secteur de la mode en Afrique et dans le monde.