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Notation financière : l'histoire inspirante de Bloomfield Investment Corporation


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Heure de publication : 09:30 - Temps de lecture : 5 min 3 s

Stanislas Zézé, président directeur général de Bloomfield Investment Corporation, en Côte d’Ivoire en mars 2019, dans le cadre de la conférence Bloomfield-Financial Afrik sur le risque-pays. – © Financial Afrik.

Stanislas Zézé est un financier émérite. En 2007, il a démissionné de son poste de Directeur Régional de Risque Crédit pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre au sein de  Shell pour réaliser  son rêve : créer et gérer sa propre entreprise de notation financière. C’est ainsi qu’en septembre 2007, il créa l’agence Bloomfield Investment Corporation, en Côte d’Ivoire. Diplômé de l’Université de Michigan, aux États-Unis, il avait aussi travaillé à la Banque mondiale et à la Banque Africaine de Développement. Jusqu’à la dernière minute, malgré les épreuves et les difficultés, il a cru en son rêve. Grâce à sa persévérance, sa patience, son humilité, son professionnalisme et sa détermination, Bloomfield Investment Corporation fait aujourd’hui partie des quatre agences de notation financière implantées en Afrique. Elle est présente dans 20 pays africains et 2 pays européens, avec plus de 2000 notations à son actif et un portefeuille de plus de 100 entités. Mais pour atteindre ce résultat reluisant, Stanislas Zézé a dû traverser le désert, avec résilience et foi, n’arrivant même pas à payer ses loyers. Il l’a obtenu dans la douleur, la sueur et les larmes. Dans sa dynamique de valoriser les bonnes initiatives et les patrons qui inspirent, Vincent Toh Bi Irié, ancien préfet d'Abidjan, est allé fouiller son parcours du combattant. Enquête.

Texte par : Vincent Toh Bi Irié

« Il faut que tu me paies mon loyer maintenant. Cela fait plusieurs mois que j’attends. » Depuis janvier 2008, Stanislas Zézé n’arrivait plus à s’acquitter du loyer de son bureau. En septembre 2007, il avait enfin lancé sa propre entreprise, cette agence de notation financière, Bloomfield Investment Corporation, dans l’euphorie d’un chef d’entreprise débutant. Mais des mois sont passés sans un seul client, malgré les contacts. Les amis, les partenaires, les associés, des collègues d’affaires, qui avaient promis soutenir cette jeune entreprise, ont déserté Zézé. D’ailleurs depuis qu’il a démissionné de son poste en 2007 pour se lancer dans ses rêves et ses folies, il ne recevait plus de coups de fil ni de visites ; il n’était invité à aucune cérémonie. Lui qui avait tant de monde dans son entourage se retrouve subitement seul.

Quelques mois après avoir créé son entreprise, il broie du noir. Il puise dans ses propres réserves pour faire vivre l’entreprise et ses 5 employés. C’est connu, l’argent, ça finit vite quand ça ne rentre pas en formes numéraires ou d’autres formes. Un jour, la banque lui refuse un découvert de 100.000 F CFA pour faire face à une dépense urgente. Certains membres de sa famille avec qui il commence l’aventure le lâchent. Et ce propriétaire qui attend ses loyers qui s’accumulent.

2 ans après avoir lancé son entreprise, Zézé ne reçoit son premier client qu’en 2009 ! Mais il croit dur comme fer à son projet. Soutenu par son épouse, il s’agrippe à l’espoir. En ce moment, la tentation est de regretter une si brillante carrière abandonnée pour un mirage, ses rêves qui s’éloignent. Stanislas est diplômé de l’Université de Michigan aux États-Unis, où il a obtenu un MPA (Master of Public Administration) avec spécialisation en gestion des risques financiers et en planification stratégique pour le développement économique. Il intègre la Banque mondiale où il devient plus tard conseiller de l’un des Vice-présidents, en sa qualité de Senior Risk Analyst. Après quelques années de service à Washington, il décide de tout abandonner et de retourner chez lui en Afrique. Ses compétences le font atterrir à la BAD (Banque Africaine de Développement) où il est nommé Senior Country Credit Officer. Quelques années plus tard, il décide de changer de vie et de tenter une autre aventure. Il part de la BAD et est recruté à la société Shell Oil Products Africa, où il assume les fonctions de directeur régional de Risque Crédit pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, un poste plus qu’enviable. Mais il lui vient la folie encore une fois d’abandonner ce poste pour se lancer dans le vide : créer sa propre entreprise. Et le voilà en sérieuse difficulté financière et en panne de clients pour sa nouvelle entreprise.

Partir de la Banque mondiale, de la BAD et de Shell pour ne plus pouvoir payer son loyer et avoir des difficultés financières, cela fait un choc. Quand il crée Bloomfield Investment en 2007, l’écosystème de la notation financière est encore flou et même inexistant en Côte d’Ivoire. Ce champ est dominé par deux multinationales imbattables dans le domaine. Quand il parle de ses projets, ses interlocuteurs le regardent comme un martien. Le déclic pour la création de son entreprise vient de ses missions avec les deux institutions internationales ci-dessus nommées. Stanislas reçoit une sorte d’illumination un jour. Après des missions au Mali et au Soudan, il est convaincu que la grille d’analyse du risque pays, dans sa forme utilisée, induit de mauvaises analyses et par conséquent des décisions difficiles pour les pays pauvres déjà fragilisés. Il se promet d’orienter différemment l’approche à la tête de sa propre entreprise. Il est passionné par cette idée jusqu’en 2007, lorsqu’elle prend forme. Quand il obtient le premier contrat, en 2009, après deux années d’âpres batailles, il commence à espérer de nouveau. Puis vient un deuxième puis un troisième contrat. Comme si le sort s’acharnait sur lui, après le cinquième contrat, un client qui a obtenu une mauvaise notation a menacé de sortir du portefeuille. En respect pour l’éthique et en vue de pas entamer la rigueur et la probité de l’entreprise, Bloomfield le laisse partir. Stanislas Zézé est convaincu, malgré les difficultés, qu’il fera bon chemin dans l’entreprise qu’il a fondée. Il reste donc collé à ses principes, sans possible compromis avec le client . L’honnêteté intellectuelle et professionnelle est aussi une voie royale de succès. De nouveau, la stagnation refait surface. De 2007 à 2012, soit 5 ans après la création de son entreprise, il est encore déficitaire. Dans la croissance d’une entreprise de cette taille, ce déficit sur 5 ans est presque normal selon les expériences. Mais là, le propriétaire a encore des loyers à encaisser. Cependant, il est patient. Il a foi en ce jeune qui se bat bien. Il a raison. 7 ans après la création de Bloomfield, les clients affluent et de gros clients. Mais cette 7ème année équilibre les comptes seulement. La vitesse de croisière viendra plus tard. Ça, c’était l’Histoire.

Aujourd’hui, en avril 2022, Bloomfield Investment, l’entreprise fondée par Zézé Stanislas, est présente dans 20 pays africains et 2 pays européens, avec plus de 2000 notations à son actif et un portefeuille de plus de 100 entités dans les 5 catégories (institutions financières, instruments financiers, entreprises commerciales et industrielles, entreprises publiques et collectivités locales, pays). Bloomfield Investment est composée de 60% d’employés féminins et 40% d’employés masculins. Honoré par le très sérieux Magazine Forbes en 2016, Stanislas Zézé est une fierté pour la Côte d’Ivoire, un modèle pour la jeunesse.

Les arriérés de loyers et les 100.000 frs (environ 150 euros) de découvert ? Un mauvais souvenir. Mais il faut toujours travailler pour accroître la surface de l’entreprise, payer les salaires, innover dans les services, maintenir la crédibilité et le prestige. En entreprise, il n’existe pas un état de sécurité absolue. Et Stanislas continue de se priver, de travailler, de grimper. Quand on ne connaît pas l’histoire des personnes que l’on admire ou qui ont du succès, on croit que tout a toujours été rose. Moralité : il faut travailler dur, croire en ses rêves et ne jamais céder à la tentation du découragement. Jeunes, Stanislas Zézé vous envoie un message de persévérance.


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Eugène
13 APRIL 2022 à 4:20

Témoignage inspirant. Gratitude au préfet et à Notre Voix de nous le faire savoir. En entrepreneuriat, ce qui compte, c'est la fin, comment sortir la tête haute du désert. Un rêve, pour qu'il se réalise, il faut y croire jusqu'au bout. La fin justifie les moyens, dit-on.

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