Jessica Aya Nanou : de la Rue Princesse au barreau, une conquête de la justice à mains nues
Heure de publication : 13:02 - Temps de lecture : 3 min 36 s

Me Jessica Aya Nanou, présidente de l'Association des Jeunes Avocats de Côte d'Ivoire, à 35 ans. – © Me Jessica Aya Nanou.
Rien ne prédestinait Jessica Aya Nanou à porter la toge d’avocate. Issue d’un milieu modeste, contrainte très tôt de subvenir aux besoins de sa famille, elle aurait pu baisser les bras. Mais sa foi en l’avenir, sa soif de justice et son sens des responsabilités ont fait d’elle l’une des figures montantes du barreau ivoirien. À 35 ans, elle incarne une génération de femmes africaines résilientes, ambitieuses et engagées.
Texte par : Léonce Houngbadji
Née à Abidjan, Jessica Aya Nanou grandit dans le quartier populaire de Yopougon, au Groupement Foncier. Dans une maison exiguë où cohabitent dix membres de sa famille, elle apprend très tôt le goût du combat quotidien. Son père, ingénieur à la SOTRA, prend sa retraite prématurément pour se lancer dans les affaires… mais tombe dans un piège. Ruiné, il n’est plus en mesure de subvenir aux besoins des siens. C’est Jessica, encore adolescente, qui prend alors les rênes du foyer.
À 17 ans, elle devient le pilier économique de sa famille. Le jour, elle tient une cabine téléphonique ; le soir, elle arpente les trottoirs de la Rue Princesse, vendant du pain au saucisson aux fêtards d’Abidjan pour nourrir les siens et financer ses études. Sa mère, ménagère, fait ce qu’elle peut. Son père, meurtri par son échec, s’éloigne. Jessica, elle, s’accroche.
Malgré les épreuves, Jessica ne perd pas de vue ses rêves. Brillante élève, elle est inscrite au lycée puis à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), où elle intègre la toute première promotion en droit. Elle obtient sa maîtrise à 20 ans, puis enchaîne avec un DESS en Droit des Affaires et Fiscalité en cours du soir. Pendant la journée, elle multiplie les stages dans des cabinets juridiques pour se forger une expérience solide.
À 25 ans, elle décroche son Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA). Elle prête serment, les larmes aux yeux, consciente du chemin parcouru. Ce jour-là, elle laisse symboliquement derrière elle les trottoirs de la Rue Princesse pour entrer, tête haute, dans l’arène du droit.
Une avocate engagée, une voix pour les sans-voix
Aujourd’hui, Maître Jessica Aya Nanou cumule plus de 11 ans de carrière. Spécialisée dans le droit pénal, le contentieux des affaires et le conseil juridique, elle est Avocate Associée dans un cabinet de renom à Abidjan. Elle traite des dossiers lourds : crimes, viols, contentieux bancaires, fusions-acquisitions, litiges commerciaux… Et dans les coulisses, elle accompagne les plus vulnérables.
Car Jessica n’a jamais oublié ses racines. Chaque vendredi, elle se rend bénévolement dans les prisons pour défendre les détenus indigents, ceux que personne ne vient visiter, ceux que le système oublie. Pro bono, avec le cœur. Elle est également présidente de l’Association des Jeunes Avocats de Côte d’Ivoire et membre actif de plusieurs organisations œuvrant pour les droits humains, la justice sociale et l'autonomisation des femmes.
De la petite vendeuse de pain de Yopougon à la voix redoutée et respectée des prétoires, Jessica Aya Nanou incarne ce que signifie relever la tête malgré les tempêtes. Son histoire est celle d’une jeunesse qui refuse la fatalité, d’une femme qui transforme ses blessures en engagement, et d’une professionnelle qui fait de la justice un combat quotidien. « Ce que tu vis aujourd’hui peut devenir demain ta plus grande force », aime-t-elle répéter aux jeunes qu’elle mentor.
Jessica est la preuve que le courage, la foi, la discipline et le travail finissent toujours par triompher. Une lumière pour toute une génération.