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Bérenger Mendjiengoué, engagé dans la promotion des cultures africaines par le cinéma


Bérenger Mendjiengoué, promoteur culturel d’origine Camerounaise. Depuis 2020, il fait la promotion des films africains en France.

Propos recueillis par Thalf Sall

Bérenger Mendjiengoué est un promoteur culturel. Depuis 2020, ce Camerounais d’origine fait la promotion des cultures africaines par le cinéma, et ce, à travers la promotion des films africains en France. C’est dans ce cadre que le samedi 11 décembre 2021, le film « A chacun sa coupe » a été projeté à Paris. Une équipe de notre rédaction est allée à sa rencontre pour faire l'état des lieux du cinéma africain. Interview.

D’où vient votre passion pour le cinéma?

 

Je suis dans le cinéma professionnel depuis 2004. Le cinéma est une véritable passion pour moi, depuis mon enfance. J’ai été toujours attiré par le métier de l’image, incontournable pour le développement de l’Afrique. L’Afrique a besoin des images réalisées par des Africains pour les Africains. L’Afrique a besoin de ses propres images dans les salles de cinéma, dans les médias et les réseaux sociaux pour affirmer son identité.

 

Quel est l’état des lieux du cinéma africain ?

 

L’industrie cinématographique africaine est constituée de deux blocs : les cinémas anglophone et francophone. Chez les Anglophones, vous avez par exemple le Nigéria, le Ghana, l’Afrique du Sud… Dans ces pays, le cinéma est très développé. Le Nigéria est la première puissance économique en Afrique. C’est encore le Nigéria qui est la première puissance culturelle sur le continent, à travers son industrie cinématographique très dynamique. C’est un grand pays qui possède sa propre monnaie et une identité culturelle affirmée. Les films et séries de Nollywood  produits au Nigéria (comédies, drames, romances, thrillers et autres, venus tout droit du Nigéria, pour rire, frissonner, hurler, pleurer, rêver... et pour toutes les envies) ont envahi tout le marché africain et même au-delà du continent. Le cinéma nigérian est à la conquête du monde. C’est pour dire que la puissance économique va avec la puissance culturelle. Les films et séries de Nollywood s’en sortent très bien sur le continent. On les retrouve régulièrement sur Netflix. Grâce au cinéma, il y a des gens qui sont devenus des milliardaires au Nigéria.

Par contre, chez les Francophones, le cinéma peine à décoller. Des pays comme le Burkina Faso, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et bien d’autres font des efforts pour émerger. Mais ils sont confrontés à d’énormes difficultés qui empêchent leur évolution. Le cinéma francophone doit aller à l’école du cinéma anglophone, s’associer, pour développer son potentiel.

 

Pourquoi le cinéma africain peine-t-il à décoller ?

 

Au niveau de la production, de la diffusion, de la promotion et de l’archivage, le secteur cinématographique africain est confronté à quelques problèmes. Les freins sont liés à la vétusté des salles de cinéma, à la distribution quasi-inexistante surtout dans les pays francophones, à l’absence de moyens financiers et de volonté politique pour accompagner le secteur, à la concurrence des productions étrangères, à la fraude et au piratage, etc.

Dans les pays anglophones, le cinéma est mieux structuré, ça décolle ! Les gens consomment et encouragent les films et séries produits dans leurs pays. C’est ce qui fait la différence entre les deux blocs dont je parlais plus haut. En Afrique francophone, c’est tout le contraire. Nous ne produisons pas assez et le peu que nous produisons a du mal à être consommé sur place. S’il n’y a pas de consommateurs, il ne peut pas y avoir de productions. S’il n’y a pas de consommateurs exigeants, il ne peut pas y avoir des productions de qualité. Tout est lié.

 

En Europe et ailleurs, les films africains ne sont pas suffisamment projetés en salles ? Qu’est-ce qui explique cela ?

 

Il y a un problème de confiance entre nous Africains, dans le secteur. Dans le cadre de la promotion des films africains en France, il m’arrive d’appeler des producteurs sur le continent pour les encourager à profiter de cette opportunité. Mais le retour n’est pas souvent positif, certains sont réticents. D’où le problème de confiance que je soulevais.

Lorsque vous allez dans les salles de cinéma en France, vous verrez que la plupart de ceux qui regardent les films et séries africains ne sont pas des Africains. Dans la diaspora, les Africains ne s’intéressent pas trop aux films africains. Quand ils vont dans les salles, c’est pour regarder des films américains, délaissant les films de chez eux.

Si nous-mêmes nous ne consommons pas nos propres productions, qui le ferait à notre place ? Personne. C’est pourquoi dans le cadre de notre projet, nous encourageons les Africains de la diaspora à se rendre massivement dans les salles de cinéma pour découvrir des productions originales et uniques venues d’Afrique.

Si nous voulons que les films africains soient davantage projetés en salles en Europe, il faut déjà qu’ils soient de très bonne qualité, aux normes internationales susceptibles d’être validés par le public occidental, et que les Africains eux-mêmes apprennent à les consommer, à remplir les salles.

 

Que proposez-vous concrètement pour promouvoir et valoriser le cinéma africain ?

 

Le rôle des Etats africains est d’organiser le secteur, le réguler, à travers des lois inclusives pour l'encadrer et le promouvoir. Il faut une synergie d’action entre les différents acteurs. A cela doit s’ajouter une politique publique qui trace un cadre juridique et soutient les initiatives privées. Des mesures adéquates doivent être mises en œuvre pour favoriser le financement de la production (la vidéo, les chaînes de télévision, le sponsoring) et la rénovation des salles de cinéma.

Les producteurs doivent se donner la main, travailler en équipes, en réseaux, pour produire ensemble des films de qualité ou faire des coproductions. Nollywood, le cinéma nigérian, vit sans l’aide de l’Etat. C’est le dynamisme des producteurs, des distributeurs et des techniciens et l’assainissement du secteur par des règles bien définies qui le met aujourd’hui au cœur du cinéma africain.

Les Africains, notamment les Francophones, doivent apprendre à consommer leur culture, à regarder les films et séries produits chez eux. Cela va encourager la production et la distribution. Les Nigérians consomment entièrement leur culture. Même sur le plan de la musique, c’est 100% Nigéria dans les boîtes de nuit, à la radio et à la télévision. C’est cet objectif que nous devons travailler à atteindre en Afrique francophone afin d’être à la hauteur de l’enjeu. Nous devons aimer notre culture pour développer notre industrie cinématographique.


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